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mercredi 13 août 2014

Les Demoiselles de Spindle Cove Tome 3 : Un mariage au clair de Lune de Tessa Dare




 Après des années à se débrouiller seule, Kate Taylor a trouvé de l'amitié et de l'acceptance à Spindle Cove, mais elle n'a jamais cessé d'espérer l'amour. Le dernier endroit où elle le cherchait était bien les bras du Caporal Thorne.














(Traduction forum BdP)

Après des années à se débrouiller seule, Kate Taylor a trouvé de l'amitié et de l'acceptance à Spindle Cove, mais elle n'a jamais cessé d'espérer l'amour. Le dernier endroit où elle le cherchait était bien les bras du Caporal Thorne. Le commandant est aussi froid que la pierre et brutalement séduisant. Mais lorsque de mystérieux étrangers viennent en quête de Kate, Thorne se présente comme son fiancé. Il clame n'avoir que la sécurité de Kate à l'esprit. Alors d'où vient cette passion dans son baiser ?

Il y a bien longtemps, Samuel Thorne avait dévoué sa vie à maintenir Kate heureuse. Il veut ce qu'il y avait de mieux pour elle, et il sait que ce n'est pas le mariage avec un homme comme lui. Pour survivre à leur fiançailles temporaires, il doit garder les mains loin de son corps si tentant et fermer son coeur. C'est la bataille la plus dur de sa vie de guerrier... et la première qu'il semble destiné à perdre.
 
 
Génialissisme !!!!

J'attendais depuis le premier tome de lire la romance de Samuel et Kate et je n'ai pas été déçu !

Tout est superbe : l'histoire, les personnages, la romance. En écrivant, je pousse des petits soupirs en me remémorant ce livre que j'ai quitté à regret.

Je crois que je suis tombée en même temps que Kate amoureuse de Samuel qui sacrifie tout à sa dulcinée.



Un incontournable !


L'extrait :
— Poursuivez, le pressa tante Marmouset. Vous êtes entrés dans le salon de thé, et...

— Et c'était un samedi, reprit Thorne. Les demoiselles étaient toutes réunies pour leur salon hebdomadaire.

— Oh, fit Lark avec excitation. Je vois où vous voulez en venir. Mlle Taylor jouait du piano-forte. Ou de la harpe.

— Elle chantait.

— Vous chantez ? dit lord Drewe en se tournant vers Kate. Il faut absolument que vous nous présentiez un récital.

— C'est une chose rare que de l'entendre chanter, poursuivit Thorne. Trop souvent, elle préfère accompagner l'une de ses élèves. Mais en ce premier jour, elle chantait.

Les yeux rêveurs, Lark plaça une main en corolle sous son menton.

— Et là, dès ce premier instant, vous avez été frappé par sa voix céleste et sa beauté rare et éthérée.

Kate se tassa sur sa chaise. Céleste ? Lark se laissait emporter par un élan lyrique. Thorne allait certainement se dérober.

Il s’éclaircit la gorge.

— Quelque chose comme cela.

Lark poussa un soupir.

— Comme c'est romantique...

De tous les mots que Kate n'aurait jamais cru pouvoir appliquer à Thorne, « romantique » venait pratiquement en première position. Juste derrière « bavard », « délicat », et « enfant de chœur ». Elle devait lui reconnaître un véritable don de comédien : tout était parfaitement crédible.

— Comment était-elle habillée ?

La question de lord Drewe semblait s'apparenter davantage à un interrogatoire qu'à une curiosité amicale. Comme s'il n'accordait pas crédit à Thorne.

— Lord Drewe, c'était il y a un an, intervint Kate d'une voix légère. Même moi, je ne me rappelle pas ce que je portais.

— Du blanc.

Thorne planta les yeux dans ceux de lord Drewe.

— Elle portait une robe de mousseline blanche. Ainsi qu'un châle indien sur lequel étaient brodés des paons. Et des rubans bleus assortis dans les cheveux.

— Est-ce exact ? demanda Lark à Kate.

— Je... Si le caporal Thorne le dit, je suppose que ce doit l'être.






L'extrait :
— Comprenez-vous ? C'est moi qui vous conviens. Je peux vous garantir non seulement la protection nécessaire, mais la compagnie que vous méritez. Nous discuterons de politique et de poésie, nous jouerons de merveilleux duos.

Il agita sa lance en direction de Thorne.

— Il fouette peut-être votre sang d'une excitation illicite, mais il ne peut vous apporter ces choses-là.

Kate regarda Samuel avec inquiétude. Ces mots feraient mouche et ébranleraient sa confiance.

— Que lui offrez-vous ? demanda Evan alors que la voix de Mlle Elliott grimpait vers les hauteurs. Vous n'avez pas d'éducation. Pas de culture. Pas même un métier honorable. Vous ne pourrez pas lui procurer un foyer digne de son rang.

— Je sais.

L'expression de Samuel se durcit jusqu'à redevenir glaciale et impénétrable.

— Vous êtes en dessous de sa condition, enchaîna Evan, de toutes les manières possibles.

— Je le sais également.

Ne soyez pas d'accord avec lui ! cria Kate en esprit. Ne croyez pas ce qu'il dit !

Evan ricana.

— Alors comment osez-vous demander sa main ?

— Parce que je l'aime, répliqua Samuel d'une voix blanche. J'ai en moi plus d'amour et de dévotion à donner à cette femme qu'il y a d'or en Angleterre. Et j'ai suffisamment de manières pour ne pas bavasser pendant que son élève chante.



L'extrait :
Evan apparut au côté de Samuel. Il appliqua une lame contre sa gorge et anéantit tous les efforts de Kate.

— Evan, non. Je vous en prie. Cela ne fera qu'aggraver les choses...

— Éloignez-vous d'elle, menaça son cousin.

— Vous ne comprenez pas. Il ne m'a pas fait de mal. Au contraire.

Elle fit abstraction d'Evan et reporta toute son attention sur Samuel.

— Samuel, vous devez me revenir, dit-elle, les yeux dans les siens. Maintenant. J'ai besoin de vous.

Et le miracle se produisit.

Sa respiration se stabilisa. Son expression se détendit. Ses yeux se fixèrent... tout d'abord sur son visage. Puis sur le bâton.

— Mon Dieu, murmura-t-il dans un souffle angoissé. Katie. Que vous ai-je fait ?

— Rien, le rassura-t-elle. Rien d'autre que m'éloigner du danger. Je vais bien.

— Foutaises, intervint Evan. Vous auriez pu la tuer !

— Ne le croyez pas, déclara Kate. Je connais la vérité. Vous ne m'avez fait aucun mal. Jamais vous ne me feriez de mal.

Bram apparut, prêt à s'emparer du bâton de combat.

— Repos, Thorne. La bataille est terminée.

Samuel hocha la tête, les mains toujours crispées autour de l'arme.

— Oui. Tout est terminé. Tout.

— Ne dites pas cela, supplia Kate en repoussant le pieu qui la maintenait clouée dans l'alcôve.

Elle avait besoin de le toucher, de le serrer contre elle. Si seulement elle pouvait le prendre dans ses bras, elle lui ferait changer d'avis.

Il semblait le savoir.

— Je ne puis courir ce risque, chuchota-t-il en la tenant à distance. C'est impossible. Je vous aime trop. Je croyais pouvoir me transformer en l'homme qu'il vous faut : un mari digne d'une dame. Mais...

Son visage se pinça et son regard tourmenté se posa sur la scène avant de remonter vers le sien.

— Voyez ce que je viens de faire. Je n'appartiens plus à ce monde. Je n'y ai probablement jamais eu ma place.

— Alors partons en trouver un autre, déclara-t-elle. Ensemble. Pour vous, je renonce à tout.

Il secoua la tête, toujours sans la libérer.

— Je ne peux vous y autoriser. Si je vous prive de cette vie qui vous attend, vous finirez par m'en vouloir. Et moi-même je m'en voudrais. La famille est trop importante pour vous.

— Vous l'êtes davantage encore.

— Drewe, demanda-t-il sans quitter Kate des yeux, dans quels délais pouvez-vous l'épouser ?

— Demain.

— Et vous la protégerez ? De la rumeur, du scandale ? De ceux qui, par convoitise, menaceraient de lui nuire ou de l'exploiter ?

— Au prix de ma vie, je le ferai.

— Samuel, non...

Kate battit des cils.

Thorne hocha la tête et dit à Evan :

— Alors, faites-le. Je quitterai l'Angleterre dès que ce sera fait. Dès que je serai certain qu'elle est en sécurité.

— Je ne veux pas l'épouser ! gronda Kate. Du reste, Samuel... vous l'empêcherez. Prétendez-vous pouvoir rester assis demain matin sur les bancs de Sainte-Ursula et me regarder tranquillement monter vers l'autel au bras d'un autre ?

Il hésita.

— Vous ne le laisseriez pas faire. Je le sais.

L'argument sembla faire mouche. Mais, malheureusement, il emmena Thorne dans la mauvaise direction.

— Bram, appela-t-il.

— Je suis toujours là, répondit lord Rycliff.

— Après avoir reçu une balle dans le genou, vous m'avez fait jurer, sur le champ de bataille, que je les empêcherais de vous amputer. Quoi que prétendent les chirurgiens, et même si vous étiez entre la vie et la mort. Je vous ai promis que je ne les laisserais pas vous couper la jambe. Je suis resté à votre chevet, un pistolet à la main, pour renvoyer tout individu muni d'une scie. Lorsqu'on a menacé de me traduire en cour martiale, en conflit avec ma propre volonté, j'ai tenu parole.

Bram opina de la tête.

— En effet. Je vous en suis à jamais redevable.

— Eh bien, vous allez pouvoir me rendre la pareille.

— Comment ?

— Enfermez-moi dans la prison du village. Ce soir, mettez-moi aux fers et, quoi qu'il arrive, même si je fulmine, même si je vous supplie, promettez-moi que vous ne me libérerez pas jusqu'à ce que Kate soit mariée.

— Thorne, je ne peux...

Pour la première fois, Samuel se tourna vers lui.

— Vous avez envers moi une dette. Faites ce que je vous demande, et jurez-le-moi.

Du bout des lèvres, lord Rycliff déclara :

— Soit. Vous avez ma parole. Vous pouvez la libérer, maintenant.

— Allez d'abord chercher des fers.

— Pour l'amour du ciel, Samuel ! s'écria Kate en se débattant. Croyez-vous que l'on va trouver ainsi des fers, au pied levé ?

Mais c'était la maison de sir Lewis. Quelqu'un dénicha une paire de menottes reliées par une lourde chaîne.

Lord Rycliff en ouvrit une et encercla le poignet de Samuel.

Ce dernier regarda Kate droit dans les yeux et chuchota :

— Merci. Merci de vous être illuminée pour moi, même brièvement. Cela me console de tout le reste.

Kate lui donna un coup au tibia de son pied nu.

— Ne prétendez pas que ceci est romantique, espèce de tête de mule ! Si je ne vous aimais pas tant, je jurerais de vous détester jusqu'à la fin des temps.

En guise de réponse, il déposa un baiser exaspérant sur son front.

Une fois l'autre menotte fermée, il lâcha le bâton de combat et la libéra.

Puis il s'en alla, prisonnier.





L'extrait :
Il ôta ses culottes et les posa sur la chaise.

Kate se sentait parfaitement stupide. Il avait connu bien des femmes qui, sans aucun doute, avaient toutes été compétentes dans l'unique domaine qui comptait réellement : au lit, plutôt qu'au piano-forte.

— Je suis navrée. Je ne possède aucune expérience. Je dois me contenter d'espérer que vous me direz ce qui vous plaît.

— Vous me plaisez.

Il s'assit à côté d'elle sur le matelas et écarta le tissu de sa chemise pour dénuder son épaule. Il épousa de ses lèvres la courbe de son cou.

— Je détesterais que vous me compariez...

Il releva la tête et ses yeux étincelèrent.

— Il n'y a aucune comparaison possible. Aucune.

Il glissa une main sous le vêtement pour la placer en corolle autour de son sein. Ses doigts solides le modelèrent.

Elle gémit lorsqu'il taquina son mamelon et le fit rouler sous son pouce.

— Samuel.

— Oui.

Sa voix était rocailleuse tandis qu'il soulevait la chemise et la passait par-dessus la tête de Kate.

— Samuel, chuchota-t-elle, vous m'avez manqué pendant ces quelques jours. Vous m'avez tant manqué.

Il s'allongea sur elle, la recouvrant de tout son poids. Elle adora sentir ainsi la masse dure de son corps. Si différent du sien. Tout en l'embrassant, il glissa une jambe entre les siennes. C'était terriblement excitant de sentir sa peau nue contre sa chair la plus intime.

De sa langue, il traça de lentes et délicieuses volutes sur sa poitrine. Il referma la bouche sur son téton qu'il aspira tout entier. Elle émit un cri d'extase, et, sans honte, se frotta contre la courbe ferme de sa cuisse.

Il reporta ses attentions sur l'autre sein, et ajusta son poids sur le côté. Elle lâcha une plainte frustrée, mais déjà les doigts de Samuel couraient sur son ventre et jusqu'à son entrejambe. Il se glissa à travers les boucles douces et caressa ses replis avant de les écarter délicatement pour enfoncer un doigt à l'intérieur. La sensation était exquise. Son pouce trouva le renflement sensible à l'orée de son sexe et il décrivit des cercles diaboliques. Bientôt, elle roulait les hanches pour venir à la rencontre de chaque mouvement de son doigt, tout en savourant la façon dont sa paume s'appuyait contre sa chair.

— Samuel, c'est trop... Je ne puis...

L'orgasme la prit par surprise. Elle se cambra en poussant un cri de jouissance. Ses muscles intimes se resserrèrent autour de son doigt pour en réclamer davantage.

Alors que les dernières ondulations de plaisir la faisaient frissonner, il se retira et logea ses hanches au creux de ses cuisses. Son érection était dure et brûlante contre le sexe encore frémissant de Kate.

— Me voulez-vous ? demanda-t-il.

— Plus que tout.

Il se positionna.

— Voulez-vous ceci ? En êtes-vous certaine ?

— Oui.

Elle ondula, impatiente.

— Maintenant. S'il vous plaît. Prenez-moi.

Il obéit.

Il commença en s'enfonçant à peine. Elle sentit comme une légère brûlure au moment où il étirait ses parois internes, mais rien de trop terrible.

Ce ne serait peut-être pas si désagréable.

— Katie, gémit-il. Vous êtes le paradis.

Pas si désagréable du tout.

Au deuxième plongeon, toutefois, la douleur fut cuisante. Elle enfouit le visage dans l'épaule de Samuel pour dissimuler son sanglot. Il la pénétra par petites poussées délicates et cadencées, et la brûlure s'atténua un peu. Mais elle fut incapable de proférer une réponse convaincante quand il lui demanda si tout allait bien.

Il jura.

— Qu'y a-t-il ? s'inquiéta-t-elle. Ai-je fait quelque chose...

— Vous êtes parfaite. Mais je suis furieux de vous avoir meurtrie. Et maintenant, c'est fait et je n'y puis rien changer.

— Eh bien moi, je ne suis pas furieuse du tout. La douleur s'est déjà estompée. J'adore vous sentir à l'intérieur de moi. Je raffole de savoir que je peux vous tenir ainsi, tout contre moi.

Elle lissa les cheveux de son front et le regarda droit dans les yeux.

— Samuel, je vous aime.

— Ne dites pas cela.

Mais déjà, il recommençait à remuer. Lentement, profondément. C'était plutôt plaisant.

— Pourquoi ? répliqua-t-elle avec un sourire espiègle. Craignez-vous de répondre par la même phrase ?

Il fléchit les cuisses et s'enfonça plus loin encore en elle.

— Je vous aime, chuchota-t-elle.

Il se retira en fronçant les sourcils. Il semblait hésiter, comme s'il soupesait le plaisir que lui procurerait une nouvelle poussée, comparée à la douleur des paroles qu'il ne voulait pas entendre.

Elle ne se laisserait pas intimider par ses regards ombrageux. Tel était le marché : pour avoir son corps, il devrait accepter aussi son cœur.

Il serra les dents et plongea en elle.

— Je vous aime, dit-elle en s'agrippant à ses bras.

Il accéléra la cadence, comme désespéré. Comme pour l'obliger à renoncer. A se rétracter.

Peine perdue.

Elle enroula les jambes autour de ses hanches et se cramponna à son cou. Les mots devinrent une incantation au rythme de ses poussées. Elle s'acharnerait sur son sarcophage de pierre, l'effriterait toute la nuit s'il le fallait pour vaincre enfin ses barrières.

— Je vous aime, gémit-elle. Vous aime. Vous. Aime.

Le visage de Samuel était torturé par un plaisir déchirant. Il haussa les sourcils, puis les fronça.

Et se retira.

Il s'écarta d'elle et offrit ses derniers et magnifiques moments d'abandon aux draps de lin. Kate essaya de ne pas s'en trouver vexée. Pour une foule de raisons, une grossesse serait prématurée. Samuel était généreux de penser à sa santé et à sa réputation, même au point culminant de la passion.

Mais elle ne put retenir un soupçon de déception.

Épuisé, il s'effondra sur le matelas. Kate se retourna pour le prendre dans ses bras. Elle caressa son dos scarifié tandis qu'il frissonnait et recouvrait son souffle, et attendit qu'il dise quelque chose.

Au bout d'un long, très long moment, il se hissa sur un coude. Il la contempla, en respirant toujours avec peine. Ses yeux étaient insondables lorsqu'il caressa tendrement son front et sa joue. Puis, enfin, il récompensa son attente nerveuse d'un seul mot, grave et sonore :

— Katie.

Et ce fut suffisant. Suffisant pour que le cœur de Kate grimpe au ciel et que ses yeux la brûlent de larmes éperdues. Suffisant pour qu'elle désire de tout son cœur son baiser. Elle le serra très fort, et attira sa bouche sur la sienne pour se repaître de la délicieuse possession.

Avec cet homme, il n'y aurait jamais de poésie. Peu de réceptions, et moins encore de danses. Avec cet homme, elle ne jouerait jamais de brillants duos au piano-forte.

Avec cet homme, elle attendrait peut-être toute sa vie qu'il trouve les mots pour avouer son amour.

Mais la vérité était inscrite sur sa peau. Et cela suffisait.





L'extrait :
— Vous ne pouvez pas choisir quelqu'un comme moi. Regardez-moi. Votre cousin ne m'engagerait même pas comme valet de pied.

Devant une telle réticence, mieux valait ne pas lui parler de son héritage. Pas encore. Au lieu de voir cela comme un avantage, ce ne serait pour lui qu'un facteur supplémentaire pour creuser l'abîme qu'il percevait entre eux.

Pourtant, seule une ligne imaginaire les séparait. Mais quelqu'un devait la franchir, et il faudrait que ce soit elle.

— Il s'agit de vous et moi, Samuel. De personne d'autre.

Elle resserra la couverture sur ses épaules et se leva.

— Je ne suis que Katie. Votre Katie, comme vous m'avez appelée autrefois. Je sais que vous avez des sentiments pour moi.

— Je vous l'ai dit et redit, ce n'est que du...

— Du désir. Oui, vous me l'avez dit. Mais vous mentez.

— Je n'ai pas de sentiments, riposta-t-il, les narines palpitantes.

Il se donna un coup de poing dans la poitrine.

— Aucun. Me comprenez-vous bien ?

— Non, c'est f...

— Regardez. Ces lettres.

Il désigna les initiales gravées sur son flanc gauche.

— Savez-vous comment ils vous inscrivent ces marques ?

Elle fit non de la tête.

— Ils prennent une planche, de cette dimension environ.

Il montra une mesure avec ses mains.

— Dessus, des clous sont plantés qui forment les contours des lettres. Ils appuient les pointes de ces clous contre votre peau, et ils donnent un coup sur la planche. Avec un marteau ou un maillet.

Kate grimaça. Elle voulut aller vers lui, mais il l'en empêcha d'une main ouverte.

— Ensuite, une fois toutes ces minuscules perforations pratiquées dans votre chair, ils prennent de la poudre noire. Vous savez qu'elle est corrosive. Et ils en frottent les blessures pour que la trace soit indélébile.

— Ce doit être une torture.

— Je n'ai rien senti. Pas plus que je n'ai senti cela.

Il se retourna. Kate étouffa un cri en voyant l'entrelacs de cicatrices qui couvraient son dos.

— Le fouet, expliqua-t-il. Cent coups de fouet pour mes innombrables manquements. Ils m'ont écorché jusqu'aux muscles, et je vous jure que je n'ai pas senti un seul coup. Car j'ai appris à m'insensibiliser. À la douleur, au chagrin, aux sentiments. A tout.

Des larmes piquaient le coin des yeux de Kate. Elle détestait l'entendre parler ainsi.

Cet homme avait des sentiments, de profonds sentiments.

— Samuel...

— Non. Je sais ce que vous pensez. Aujourd'hui, vous vous êtes souvenue du petit garçon que vous aviez connu jadis. Il vous aimait bien et était gentil avec vous, et il vous a rendu service, une fois. Ce petit garçon n'existe plus. L'homme que je suis... eh bien... il est écrit là.

Il montra les marques sur sa peau, l'une après l'autre.

— Voleur. Prisonnier. Soldat ivre. Forte tête... Je suis mort à l'intérieur depuis longtemps. Complètement insensible.

Elle s'approcha lentement de lui, très lentement, comme elle l'aurait fait devant un animal acculé qu'elle ne voulait pas effrayer.

— Sentez-vous ceci ?

Elle se hissa sur la pointe des pieds pour embrasser son cou. L'odeur virile fit battre son cœur plus vite.

— Katie...

— Et ceci ?

Elle déposa un baiser sur sa joue et laissa ses lèvres s'attarder sur l'angle dur de sa mâchoire.

— Ou...

Il la saisit par les bras pour l'écarter.

— Cessez.

Elle baissa les yeux vers sa poitrine en examinant toutes les marques et les cicatrices accumulées, en partie à cause d'elle, depuis qu'ils s'étaient séparés enfants. L'énormité de ce que représentaient ces stigmates éclipsait les angoisses ou les chagrins qu'elle avait pu éprouver. Elle ne pouvait comprendre l'ampleur de ses souffrances, mais elle s'obligea à essayer. Pour elle, il avait tout sacrifié, y compris la seule maison qu'il ait jamais eue. Il lui avait acheté un avenir radieux au prix de sa propre liberté.

Comment ne l'aimerait-elle pas ? Comment pouvait-il nier qu'il l'aimait ?

— Toute ma vie, commença-t-elle d'une voix frémissante, je me suis raccrochée à quelques lambeaux de souvenirs. Même dans les moments les plus noirs, ces vagues réminiscences me donnaient l'espoir que quelqu'un, quelque part, avait tenu à moi. Et j'ai toujours cru, dans le fond de mon être, qu'un jour quelqu'un m'aimerait à nouveau.

— Eh bien, vous avez trouvé les Gramercy. Ils...

— Vous. C'est vous que j'ai trouvé.

L'extrait :
Dieu tout-puissant. Il n'avait jamais eu l'intention de prendre Glouton. Il avait attrapé le serpent à mains nues pour l'empêcher de la mordre. C'était terriblement téméraire... et ridiculement courageux.

— Vous n'auriez pas dû.

Appuyé contre le muret de pierre, il retourna sa main devant ses yeux.

— Je me suis dit que j'y survivrais.

Le cœur de Kate cessa de battre.

— Que voulez-vous dire ? Avez-vous été mordu ?

Comme il ne répondait pas, elle posa Glouton et se redressa vivement.

— Voyons.

Elle prit son poignet, et il se laissa faire tandis qu'elle soulevait sa grande main.

— Oh, non...

Deux perforations étaient visibles juste au creux du poignet. Le pourtour était déjà enflé.

— Disposez-vous d'une trousse de premiers secours ? Il faut vous soigner immédiatement.

— Ce n'est qu'une morsure de vipère.

— Qu'une morsure de vipère ?

Il haussa les épaules.

— Une égratignure.

— Une égratignure infectée par du venin !

Elle le tira par la manche pour l'entraîner vers le donjon.

— Je suis une force de la nature. Ce ne sont pas quelques gouttes de poison qui vont m'abattre.

Il se rendit néanmoins avec elle vers le coin du donjon qui constituait ses quartiers personnels. Alors qu'il ouvrait la porte avec son épaule gauche, elle le vit hésiter légèrement.

— La tête vous tourne ?

— J'ai simplement... trébuché.

Ses yeux étaient un peu vitreux.

— Accordez-moi une minute, dit-il.

Il n'en était pas question. Au rythme auquel sa main gonflait, Kate ne lui accorderait rien du tout.

Elle trouva un tabouret près de la petite table et l'appuya contre le mur.

— Asseyez-vous, ordonna-t-elle.

C'était peut-être un officier d'infanterie intimidant habitué à se faire obéir, mais Kate ne se laissa pas impressionner. Elle saisit son autre bras et tira dessus de toutes ses forces.

Il remua à peine. Seigneur, cet homme était une montagne de muscles. Une force de la nature, comme il l'avait dit.

— Je vais bien, protesta-t-il.

— Je m'inquiète. S'il vous plaît.

Elle parvint à le convaincre de s'asseoir sur le tabouret et veilla à ce que son dos soit bien calé contre le mur. Glouton vint à ses pieds, renifla ses bottes et produisit de petits gémissements.

Dès que Thorne fut installé, elle entreprit de le dévêtir.

— Nous allons devoir ôter votre habit.

Elle tira précautionneusement la manche de son bras droit blessé, jusqu'à ce que le fourreau de serge rouge dégage entièrement son bras.

Lorsqu'elle posa son poignet blessé sur la table pour l'examiner, il confessa :

— Je ne vais peut-être pas si bien que cela.

Le cœur de Kate battit plus vite. Pour qu'il l'admette, il devait réellement se sentir mal.

Un couteau était posé non loin de là ; elle s'en empara.

— Ne bougez pas.

Elle découpa la manche en coton de sa chemise jusqu'au coude. Des traînées rouges remontaient du poignet sur son avant-bras musclé, visibles même sous ses poils noirs. Il fallait un tourniquet.

En relevant la tête pour lui demander où trouver de quoi le garrotter, elle vit qu'il était devenu tout pâle. Son front luisait et sa respiration était inégale.

Elle finit d'arracher la manche de sa chemise.

— Vous me déshabillez, dit-il d'une voix sourde.

— Je n'ai pas le choix.

— Je ne me plaignais pas.

Ses yeux bleus se rivèrent aux siens.

Kate n'avait pas le temps de s'interroger sur la signification de cet échange. Elle prit son foulard, qui pendait lâchement à son cou, et noua le morceau de tissu autour de son bras, juste sous le coude. Elle en serra une extrémité entre ses dents, et tira l'autre des deux mains. Ses efforts arrachèrent un grognement de douleur à Thorne. Une fois le garrot posé, elle transpirait autant que lui.

— Où se trouve votre trousse de premiers soins ? s'enquit-elle en scrutant la pièce des yeux.

Il désigna du regard un vieux coffret en bois sur une étagère, en hauteur.

Kate courut le chercher.

En se retournant, elle faillit faire tomber l'objet : Thorne tenait le couteau dans sa main gauche. Son front luisant de sueur était plissé, et il appuyait avec concentration la lame contre la peau enflée et rouge de son poignet.

— Non, ne faites...

Il grimaça et tourna le couteau. Un gémissement lui échappa, mais sa main resta ferme. Avant qu'elle ne puisse revenir à son côté, il avait décrit un quart de tour avec la lame, qu'il enfonçait à nouveau. Le sang coula abondamment de l'incision en croix.

Il laissa tomber le couteau sur la table et s'avachit contre le mur en respirant lourdement.

— Pourquoi avez-vous fait cela ? demanda-t-elle en posant le coffret.

— Pour que vous n'ayez pas à le faire.

Kate lui en fut reconnaissante. Il avait eu raison. Il fallait faire couler le venin de la partie enflée, avant qu'il ne se communique au reste du corps. Mais la vue d'une telle quantité de sang la pétrifia un moment. Elle avait aidé Susanna une fois ou deux à soigner des villageois blessés, mais Susanna était une guérisseuse compétente et douée. Là, ils étaient seuls et réduits à la dernière extrémité.

Thorne risquait de mourir.

Elle fut saisie d'un haut-le-cœur, puis elle posa une main sur son ventre en s'exhortant au calme.

Elle ouvrit le coffret et trouva une longueur de gaze propre, qu'elle utilisa pour étancher le sang.

— Ne faites pas de pansement, dit-il. Pas encore.

— Je sais. Et maintenant ?

— Vous allez retourner au village. Soit je survis, soit pas.

Les mots étaient si ridicules qu'elle s'étrangla sur un petit rire.

— Êtes-vous fou, Thorne ? Il est hors de question que je vous laisse.